jeudi 26 septembre 2019

Pourquoi Tunisair ne redécolle pas


Malgré un regain du tourisme en 2018, la compagnie nationale ne peut se relancer en raison des tensions budgétaires de l'État et d'un manque de volonté politique




La situation reste plus que jamais tendue à Tunisair depuis le début de l’année 2019. L’une de ses dernières illustrations date de la mi-mars. Un mouvement de colère s’est emparé des pilotes de la compagnie, causant des per­turbations sur cinq à six vols, dont qua­rante-trois heures de retard sur une liaison Djerba-Bruxelles. Les 270 pilotes n’avaient pourtant pas déposé de préavis de grève, contrairement à ce qu’a insinué dans la presse le PDG de la compagnie nationale tunisienne, Ilyes Mnakbi. En fait, ils n’ont assuré que les vols inscrits à leur plan­ning, et pas ceux qui étaient retardés ou supplémentaires.

Au départ de cette protestation, il s’agis­ sait bien de faire valoir des revendications sociales. Car 70 % de leur salaire - aux envi­rons de 10000 dinars (près de 3000 euros) pour les commandants de bord et de 5 000 dinars pour les copilotes - consiste en une part variable tributaire de leur activité en vol. Mais cette dernière est fortement affectée par les retards d’approvisionnement en pièces détachées, un fait symptomatique de la situation de la compagnie, qui n’a plus les moyens de se fournir régulièrement... Et les pilotes se retrouvent perdants.

Il s’agissait aussi pour eux de sonner l’alarme sur l’état de l’entreprise détenue à 64,86 % par l’État. « Aujourd’hui, six avions sur 28 sont cloués au sol. La compagnie n’a pas les ressources pour remplacer les pièces manquantes et les moteurs. Elle a du mal à honorer ses dettes et ses factures. Mais, du point de vue des pilotes, il s’agit surtout d’une question de sécurité. L’équation est très simple: pas d’argent, pas de pièces, pas de maintenance, donc pas de confiance dans la sécurité des appareils », déplore Karim Elloumi, président de la Fédération tunisienne des pilotes de ligne (FTPL). De nombreux pilotes souhaiteraient quitter Tunisair pour rejoindre des compagnies du Golfe, où les salaires sont cinq fois plus éle­vés. Une situation paradoxale pour la société tunisienne dont les résultats commerciaux sont pourtant au beau fixe. Selon les informations disponibles, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 1,568 milliard de dinars sur l’an­née 2018, contre 1,283 milliard en 2017. Elle a même enregistré, toujours en 2018, un trafic record de 3,8 millions de passagers, signant vingt-deux mois consécutifs de progression, alors que son retrait du marché libyen en 2014 avait pesé lourdement sur ses comptes.

Plan de redressement repoussé

Mais il s’agit là de résultats en trompe l’œil. Tunisair n’est pas vraiment en mesure d’absorber la croissance du tourisme.

De fait, les recettes engendrées par l’acti­vité au pays du Jasmin ont déjà crû de 42,1 % en 2018 par rapport à 2017. Mais, à cause des difficultés budgétaires de l’État, la compa­gnie à la gazelle rouge doit éternellement repousser son plan de redressement prévu depuis... 2012. Un plan qu’elle avait réactivé l’année dernière en vue de l’ouverture du ciel (hors aéroport de Tunis-Carthage), elle aussi remise à plus tard.

Alors que la flotte est âgée de plus de 15 ans, la livraison de cinq nouveaux appa­reils Airbus A320 neo de location n’inter­ viendra pas cette année comme attendu. Ce renouvellement était pourtant prévu depuis 2008. Après avoir ouvert les des­ desertes de Niamey, Conakry et Cotonou en 2016 et 2017, Tunisair ne pourra finalement pas inaugurer de liaisons avec Douala et N’Djamena en 2019. L’orientation vers l’Afrique subsaharienne est pourtant au cœur de la stratégie de relance de la compagnie dans un pays qui attire de plus en plus de touristes médicaux et d’étudiants de ces zones.

Le départ volontaire de 1146 salariés, sur un total de 7 700, est toujours bloqué égale­ment, car il faut trouver un accord avec les caisses sociales, excessivement déficitaires. Le relèvement de l’âge de la retraite de un an prévu à partir de juillet 2019 devrait permettre de les renflouer, mais à long terme seulement.

De plus, le transporteur aérien attend une recapitalisation de 1,5 milliard de dinars, « dont 600 millions de conver­sion de la dette-fournisseur de l’office de l’aviation civile et des aéroports [Oaca] en actions et 700 millions d’argent frais à la charge de l’État tunisien, mais qu’il a du mal à décaisser », rappelle Salma Kharbachi, analyste financière au sein du cabinet AlphaMena. En 2016 - c’est le der­nier résultat officiel connu -, l’entreprise avait enregistré une perte équivalant à 16,4 % de son chiffre d’affaires.

Partenariat ou privatisation


D’autres solutions existent, selon cer­tains, pour envisager un redressement à court terme. « On peut supprimer la TVA, exonérer la compagnie de taxes d’atterris­ sage pendant un moment. L’État peut être garant d’un crédit. Il faut libérer des pilotes pour baisser la masse salariale ou revoir certains éléments de salaire qui n’ont pas beaucoup d’impact sur cette dernière et qui garantissent la pérennité de la sécurité dans la compagnie », estime sans détour Karim Elloumi.

Le recours à un partenaire stratégique ou à une privatisation pourrait lui aussi être envisagé. Mais, au gouvernement, personne ne souhaite prendre de décision ferme en ce sens, selon les observateurs. Le risque poli­tique que ferait encourir une cession totale ou partielle de cette entreprise nationale, même si elle est cotée en Bourse avec 20 % de son capital flottant, paraît trop grand à l’approche des échéances électorales de novembre 2019. Le destin de Tunisair en reste pour le moment otage des politiques ignorante du gouvernement.

samedi 17 août 2019

Pétrole tunisien

Dans ce secteur clé pour la Tunisie, les perspectives de nouvelles découvertes et les réformes de gouvernance attirent à nouveau les investisseurs. Mais des zones d’ombre demeurent.





Pétrole Tunisie
Pétrole Tunisie: Ici, la plate-forme pétrolière d’Ecumed au large de Zarzis, dans le sud-est tunisien.

Et si le pétrole et le gaz sauvaient la Tunisie ? Non, le pays ne deviendra pas un géant de l’or noir comme ses voisins libyen et algérien. Mais 2019 signe « l’année de la reprise », se félicite Mohamed Ali Khelil, le PDG de l’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (Etap), société publique chargée des hydrocarbures. Le 28 juin, six permis d’exploration ont été octroyés, et trois autres devraient suivre d’ici à la fin de l’année.

Obtenues en six mois à peine, ces neuf nouvelles concessions représenteront une augmentation d’un tiers des 21 permis en activité en 2018. Autre chiffre significatif : les investissements dans le domaine de l’exploration sont passés de 72 millions de dollars en 2018 à 254 millions en 2019. Le pays profite de deux ans d’accalmie sur le front social. La production de pétrole dans le sud du pays, où se trouvent les principaux sites, avait été totalement bloquée pendant trois mois en 2017.

La confiance semble donc reve­nue chez les opérateurs étrangers. Au point de partir à l’assaut de zones inexplorées. Sur les six permis, trois concernent, pour la première fois, l’offshore dans le nord du pays.

Le norvégien Panoceanic Energy Limited ne s’y est pas aventuré par hasard : depuis 2015 et la découverte au large de l’Égypte du gisement de Zohr, la Méditerranée est deve­nue un eldorado à prospecter. Or la Tunisie est, selon plusieurs sources, une région sous-explorée. D’où la politique de l’Etap visant à valori­ser et à mettre à niveau ses données géologiques, et à se « vendre » davan­tage à l’international par le biais des chambres de commerce mixtes, notamment vers l’Asie « où sont les nouveaux marchés », assure le PDG de 1 Etap. Les sociétés déjà présentes ne sont pas en reste.

L’extension prochaine du site gazier de Nawara, détenu pour moitié par l’autrichien OMV, devrait permettre de réduire les importations de gaz de 30 %. Dans le golfe de Gabès, les réserves gazières sont aussi alléchantes, même si leur forte teneur en CO2 et H2S rend l’extraction compliquée. Cette embellie fait mentir les cassandres qui prédisaient un départ des sociétés étrangères après l’amendement du Code des hydrocarbures en 2017 qui exige le vote du Parlement pour l’obtention des permis : la Tunisie n’a jamais connu une telle frénésie d’exploration depuis les années 1970, époque où les majors étaient sur place, avant d’estimer qu’il n’y avait plus rien à découvrir. Ce qui était jusqu’alors exact; en 2016, un quart de la pro­duction de pétrole provenait encore de deux des plus anciens champs, El-Borma et Ashtart. Le chemin est donc encore long pour réduire une dette énergétique considérable. 

En 2018, elle représentait un tiers du déficit commercial, estimé à 5,8 milliards d’euros ; un chiffre brandi par de nombreux acteurs pour s’attaquer à un tabou : l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. L'extraction non conventionnelleau centre des débats« Si l’on veut améliorer notre sécurité énergétique, il faudra, outre les mesures en cours visant à introduire des énergies renouvelables, passer par le non-conventionnel. On doit donc permettre les forages d’exploration, de fracturation et d’essais de puits sur ces réservoirs encore peu connus pour savoir quelles sont nos réserves exactes et décider de la marche à suivre », analyse Hichem Mansour, président de HOSN Energy Consulting. 

L’État a lancé, en 2017, une étude d’impact économique, social et environnemental sur l’utilisation de ces nouvelles technologies. Les résultats sont attendus pour le début de 2020. Prudent, Mohamed Ali Khelil renvoie la question aux prochains décideurs politiques qui seront élus à l’issue des scrutins de l’automne. Le patron de l’Etap précise cependant: « Si les réserves sont autour de 23 tcf [trillion cubic feet], comme l’annoncent deux études américaine et britannique, la Tunisie deviendrait un pays exportateur... » La société civile réplique par le biais d’une étude allemande de la Fondation Heinrich-Bôll, proche des Verts. En 2015, elle listait les dangers sanitaires (gaz dans l’eau courante...), environnementaux (produits chimiques dans les nappes phréatiques...) causés par l’extraction non conventionnelle. « Nous n’avons pas de position arrêtée car les données complètes manquent. Mais outre les dangers potentiels que soulève l’institut Bôll, il y a sur tout un manque de clarté », dénonce Sihem Bouazza, coordinatrice de la Coalition nationale pour la transparence dans l’énergie et les mines. Et d’évoquer le risque que le grand Sud tunisien ne devienne, pour les sociétés pétrolières, un champ de tests grandeur nature - à l’abri des regards, car il s’agit d’une zone militaire - concernant les fracturations hydrauliques non conventionnelles ou tout serait permis ...

LA MUE TANT ATTENDUE DE L ETAP

L'Entreprise tunisienne d'activités pétrolières est partie prenante dans l'octroi des blocs pétroliers et dans la commercialisation de l'or noir. Une hérésie pour certains observa­teurs. À sa tète depuis décembre 2018, Mohamed Ali Khelil, ex-DG stratégies au ministère de l'Énergie, a lancé une réforme pour en faire l'unique opérateur spécialisé dans les champs matures et marginaux, peu attractifs pour les sociétés étrangères mais primor­diaux pour un pays où chaque baril produit compte. La promotion du sous-sol reviendrait à une agence ad hoc. Reste à savoir si la prochaine majorité politique maintiendra ce cap.

samedi 4 mai 2019

Sur la frontière algérienne, les Tunisiens vivent des échanges entre les deux pays

Commerce : Sakiet Sidi Youssef, Tunisie




Poste frontiere tunisien
Poste frontiere tunisien


A Sakiet Sidi Youssef, petite ville tunisienne limitrophe de l’Algérie où les liens sont extrêmement forts entre les deux pays. Les Tunisiens, qui dépendent largement des échanges avec leur puissant voisin, regardent avec attention la révolution qui a fait démissionner Bouteflika.

« Quand on a entendu les bombardements, nous nous sommes cachés sous la table de la cuisine, ma mère, ma sœur et moi. Autour de nous, tout était détruit, les maisons avaient été soufflées par le choc », raconte Fatma Frihi, 78 ans, dans sa maison de Sakiet Sidi Youssef, au nord-ouest de la Tunisie. Elle se souvient du bombardement du 8 février 1958, opéré par des soldats français en pleine guerre d’Algérie. Soixante-dix habitants de la ville avaient péri.

Sakiet Sidi Youssef était alors l’une des bases arrière de la guerre. Des Algériens s’y étaient réfugiés et faisaient passer des armes entre les deux pays.

Plus de soixante ans plus tard, la ville semble figée dans son histoire. Le manque d’infrastructures, de développement et le taux de chômage élevé (22,1 %) font qu’elle dépend des échanges commerciaux et de la contrebande avec son voisin algérien. La seule fois où le poste-frontière a été fermé remonte à 2011, pendant la révolution tunisienne, quand les Algériens craignaient des débordements.

Aujourd’hui, même si les manifestations d’Alger se tiennent à près de 600 kilomètres de la ville, les Sakietois redoutent les retombées économiques d’un changement de régime ou de l’instabilité. « Nous sommes heureux pour les Algériens mais en même temps, la ville reste très dépendante de tout le commerce avec l’Algérie. Nous n’avons pas grand-chose d’autre. Le régime de Bouteflika contrôle les échanges frontaliers donc, qu’adviendra-t-il quand il sera complètement parti ? » se demande Mohamed, un fonctionnaire. Sa tante est algérienne et comme beaucoup de Sakietois, il est issu d’une famille mixte.

Depuis les hauteurs de Sakiet, se dessine Haddada, la ville algérienne distante de quelques kilomètres seulement. Dans les plaines, cimetières algériens et tunisiens se font face, rappelant les liens historiques des deux villes.

« Quand j’étais petit, on passait sans passeport d’un pays à l’autre, on allait jouer dans les cimetières. Les enfants algériens de Haddada, qui n’était pas aussi développée que maintenant, venaient à l’école chez nous », raconte Azzedine Labidi, 62 ans, le fils de Fatma.

Mais malgré ces liens et l’emplacement stratégique de la ville, les Sakietois profitent peu de cet atout. L’entreprise Sacmo, une société maghrébine de fabrication de moteurs thermiques qui employait 1 200 personnes sur les 6 300 que compte la ville, a fermé depuis des années. Elle exportait à 70 % vers l’Algérie.

Les restes de la mine de plomb, où travaillaient les Sakietois pendant le protectorat français, font face aux maisons des mineurs dont les tuiles ocre sont progressivement recouvertes de ciment par les nouveaux arrivants. Le vieux Sakiet a pratiquement été détruit pendant les bombardements. Aujourd’hui, il est dédié au logement social.

Au poste-frontière, juste à côté du centre- ville, les poids lourds algériens font la queue pour entrer. Beaucoup viennent acheter des denrées alimentaires comme la chamia tunisienne, une sorte de pâte de sésame sucrée, des fripes, des boîtes de conserve pour les tomates, et les ramènent au pays. Les Tunisiens, eux, achètent du maquillage, des produits alimentaires aussi, de l’huile. La ville est si proche de la frontière que certains habitants passent à pied avec leurs sacs de courses.

« Avant, beaucoup de Tunisiens allaient faire du shopping en Algérie. Maintenant, c’est l’inverse depuis quatre, cinq ans, avec la dévaluation du dinar », raconte Azzedine Mhrezgui, 45 ans, qui tient une station de lavage de voitures à côté du poste frontalier. Toutes les stations-service de la ville ont fermé depuis la révolution. Pour trouver de l’essence à Sakiet, il faut appeler un contrebandier ou aller sur le bord des routes où des vendeurs proposent des bidons.

La contrebande est devenue une manne commerciale pour les jeunes chômeurs de la ville avec comme produit favori l’essence algérienne, moins chère que le carburant tunisien dont les prix ne cessent d’augmenter.

En Tunisie, avec les dernières augmentations du mois d’avril, le prix du litre l’essence sans plomb est à plus de 2 dinars (0,5 euro) et le gasoil entre 1,5 et 1,8 dinar selon les types. En Algérie, le prix du litre ne dépasse pas un dinar tunisien. Les contrebandiers aguerris peuvent gagner jusqu’à 1 000 dinars (300 euros) par nuit ou par semaine, selon la fréquence de leur trafic, le double d’un Smic tunisien.

« J’ai vu mes amis du café passer de 0 dinar par jour à une D-Max [sorte de 4×4 – ndlr] toute neuve, alors évidemment, on a tous eu envie de s’essayer à la contrebande », raconte Youssef, un jeune de 24 ans qui a passé deux ou trois fois illégalement la frontière avec de l’essence. « Il suffit d’attendre la nuit et de passer les oueds [rivières – ndlr] qui bordent la frontière... On se parle par signal lumineux, mais ça reste très dangereux. J’ai un ami qui s’est fait arrêter par les autorités algériennes récemment », ajoute Youssef. Il a vu dernièrement le contrôle à la frontière se renforcer. « On sent que les douanes et la police algérienne sont plus agressives et vigilantes, alors qu’en Tunisie, ça reste assez laxiste », dit-il.

Mais la contrebande gangrène aussi le reste de l’économie. Dans les faubourgs de la ville, des magasins clandestins ont pignon sur rue. « Ici, si vous n’êtes pas fonctionnaire ou agriculteur, vous n’avez pas trop d’autre choix. Nos jeunes partent ou risquent leur vie sur la frontière », raconte Manel, mère de famille et éducatrice.

Chez Abdessatar, « le barbu » comme le surnomment ceux qui le connaissent, la devanture n’indique pas vraiment le type de commerce qu’il tient. À l’intérieur, dans une pénombre voulue, Abdessatar trône au milieu de bonbons et de gâteaux algériens de la marque Cherchell. L’épicier clandestin glisse des chocolats dans les mains de ses clients et montre une amende dont il vient d’écoper de la part de la douane à la frontière, la première depuis le début de son activité.

« Ils ont contrôlé ma marchandise et m’ont dit que ce n’était pas en règle, je ne sais pas trop ce qui se passe », dit-il avant de se rétracter et de chasser ses visiteurs. « Je ne veux pas avoir plus de problèmes », ajoute- t-il.

Juste à côté de sa boutique, une autre caverne dénuée de lumière héberge Feiza, qui vend des produits de beauté tunisiens et algériens. « La qualité de certains produits de maquillage en Algérie est meilleure qu’en Tunisie, il y a beaucoup de demande », raconte-t-elle. Elle dit avoir monté son commerce grâce au microcrédit d’une ONG mais reste évasive sur la légalité de la vente de produits algériens.

Plus loin, le propriétaire d’un petit hamas (épicerie et quincaillerie) confie que vendre des produits algériens est interdit pour tous ces commerces qui vivotent, comme les contrebandiers.

« La ville et la région ont du potentiel mais nous avons été délaissés, comme d’autres, par des politiques publiques qui nous ont peu touchés et des politiques qui se mettent des bâtons dans les roues entre eux au lieu d’avoir à cœur le développement de la ville », assure Azzedine.

Aujourd’hui, la ville se prépare à recevoir le gaz naturel algérien, qui a commencé à être importé depuis décembre dernier dans le cadre d’une coopération tuniso- algérienne. Sur les murs de certaines maisons, les compteurs sont fraîchement installés et vont remplacer les bonbonnes de gaz. Cet apport devrait permettre, selon les officiels, la relance du développement et de l’économie de la ville.

mardi 26 mars 2019

Les services de l'état au service des universités privées


Quand un haut fonctionnaire de l'état sert les intérêts d'une entreprise privée au détriment des services public




Chawki Gabbes

Pour ne pas alerter les services de l'état, l'université et l'intéressé ont décidé d'appeler cela une réunion d'information.


Âpres avoir renoncé et défrayé la chronique en servant de président pour la présidence du comité d’organisation du congrès du parti “Tahya Tounes” un nouveau parti politique qui vient de naître, le voila qu'il sert a nouveau un nouvel acteur financier du monde privé. Il s'appelle Chawki Gaddes, il occupe le poste de président de l'instance nationale de protection des données personnelles, en terme plus clair il est un haut fonctionnaire de l'état, à ce titre il se doit d'être neutre de toute les parties du monde politique et du monde de l'argent.

Il fait parlé de lui en ce moment même ou j'écris ce billet, il a été recruté par l'université privée Paris Tunis Dauphiné qui c'est attaché c'est services pour le recrutement des étudiants pour le cursus. L'université l'utilise pour faire sa publicité à travers un cursus de Délégué a la protection des données soit RGPD qui n'est même pas entré en fonction vu qu'elle n'a pas été votée au parlement. C'est un comble ...

Tout cela au bénéfice d'une université privé et non une université publique sur les deniers publics vu que sont salaire est payer par les contribuable. L'état et ni les instances qui supervise les fonctionnaires n'ont réagi pour le mettre hors d'état de nuire. Il semblerait que dans notre pays, tout fonctionnaire peux occupé un poste dans le privé tout en étant fonctionnaire de la république, apparemment la déontologie n'existe même plus.

Cela m'amène à me demander quelles sont les contreparties. Quel avantage et quel est sont salaire ? C'est enfant vont-il pouvoir faire des études gratuites financées sur les deniers publics vu qu'il est devenu leurs portes-parole pour le cursus ? Va t'il faire du lobbying aupres d'autre fonctionnaire pour servir les intérêts de l'université.

Tout cela amène de la corruption, du clientélisme et une accointance de proximité ou l'état est le dindon de la farce. Les prochaines élections approche, il faudrait mettre hors d'état de nuire ce genre d'énergumène qui porte plusieurs casquettes et sanctionné dorénavant tout manquement a la discipline et c'est obligation si ont veut lutté contre la corruption. Il n'est pas normal dans un pays en 2019 d'avoir des fonctionnaires corrompus qui servent des entreprises privées en toute impunité ! Mais cela existe malheureusement chez nous et je n’imagine même pas que dans un pays moderne d'Europe ce genre de comportement puisse exister, mais en Tunisie tout est permis.



L’université DAUPHINE-TUNIS lance la 2ème session de son certificat Data Protection Officier



Université DAUPHINE-TUNIS






Chawki Gabbes












mardi 19 février 2019

En Afrique francophone, Berlin détrône Paris

La première économie européenne est perçue comme l’un des «partenaires les plus bénéfiques pour le continent africain»





Puissance économique en Afrique francophone



Berlin d’abord... Interrogés pour savoir quelles sont les trois nations dont ils ont la meilleure image, les jeunes leaders d’opinion de huit pays d’Afrique francophone plébiscitent l’Allemagne, en tête du classement, bien avant la France. C’est le cas de 45 % des universitaires, blogueurs, journalistes et autres start-upeurs sondés dans le cadre du nouveau baromètre Africa Leads, établi par l’Institut Immar. En comparaison, Paris n’occupe que le cinquième rang, avec 21 % des suffrages.

Sur les 1 244 influenceurs interrogés pour le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), qui regroupe 80 % des patrons français installés sur le continent, beaucoup avouent voir dans la première économie européenne l’un des « partenaires les plus bénéfiques pour le continent ». Ils la placent juste après la Chine et le Japon et sont 70 % à la citer, quand 53 % évoquent la France.

L’Hexagone se retrouve donc en septième position et l’Allemagne en troisième, au sein d’une liste fermée de dix pays « utiles ». Dans l’esprit de ces jeunes influenceurs, «qui font déjà l’Afrique, et qui, selon une mécanique plus vraie en Afrique qu’en Europe, permettent d’anticiper ce que sera l’opinion publique dans quelques années », comme le rappelle Mohamed El Kalchi, le directeur des études de l’Institut Immar, Paris est devancé par Berlin aussi bien au Maghreb (70 % contre 82 %) qu’en Afrique centrale (44 % contre 75 %) et en Afrique de l’ouest (44 % contre 52 %), les trois zones sur lesquelles porte l’enquête.

Que l’Afrique ait cessé d’être le pré carré des anciennes puissances coloniales n’est pas une nouveauté. Avec ses 3,5 % de croissance annuelle depuis 2017 – la Banque africaine de développement (BAD) prévoit 4 % pour 2019 et 4,1 % pour 2020 –, elle est devenue le relais de croissance des autres continents et concentre tous les espoirs à moyen terme. Si l’offensive asiatique crée du surendettement, le baromètre montre que Pékin reste tout de même bien perçu.

Pour Etienne Giros, président délégué du CIAN, dont l’organisation réalise (hors énergie) 80 % des échanges avec l’Afrique, l’Allemagne récolte les fruits de « la politique d’Angela Merkel depuis deux ans avec son initiative “Compact with Africa”, et de l’image de qualité de ses produits ». A ce volontarisme s’ajouteraient, selon lui, les retombées d’une approche globale. « Comme la Chine et le Japon, l’Allemagne arrive avec des offres intégrées incluant des prestations de services, des infrastructures et un financement », note-t-il, déplorant le fait que la France « valorise moins [ses] réalisations » et qu’elle ne soit « pas assez [offensive] en matière de communication ».

« Histoire très hystérisée »


Ce baromètre est le deuxième coup de semonce adressé à la France, qui, en 2017 déjà, avait perdu son statut de premier fournisseur européen du continent au profit de l’Allemagne. En juin 2018, l’assureur Coface mentionnait aussi « l’érosion continue des parts de marché des entreprises françaises en Afrique », rappelant qu’« alors que les exportations représentaient près de 11 % des flux vers l’Afrique au début du millénaire, leur poids a été divisé par deux en 2017 ».

Si la courbe des parts de marché est mauvaise, « l’afropessimisme » n’est pas pour autant de mise en France. A cet égard, le baromètre du CIAN atteste que les marques tricolores conservent une place de choix dans les esprits. Certes, Toyota est en tête de celles que citent spontanément les jeunes leaders d’opinion, mais, parmi les dix marques les plus appréciées, ils évoquent spontanément quatre françaises (Orange, Total, Renault et Sogea Satom).

Dans le classement par secteur, Orange rafle même la mise pour les télécommunications, et Air France pour l’aérien. Au niveau du secteur bancaire, la Société générale est troisième, et la BNP, cinquième. Pour ce qui est de l’automobile, Peugeot prend la cinquième place. « Notre histoire est très hystérisée et c’est dommage, analyse Patrice Fonlladosa, président du Medef Afrique. « Nous avons des débats comme celui sur le franc CFA qui font beaucoup de mal en termes d’image, et masquent le fait que nos entreprises ont en réalité bien compris les besoins du continent. »

Le responsable patronal observe que ces sociétés savent créer des filiales locales, s’inscrivent dans la durée pour «écrire l’histoire longue des pays où elles se sont implantées ». Cela concerne tant les grands groupes que les PME. « Chez Orange, CIC ou Total, des manageurs locaux ont pris l’initiative sur le développement continental », rappelle-t-il. « Et nous avons de vrais champions qui ont développé des savoir-faire dans le secteur des infrastructures, le numérique ou la téléphonie. Sans parler de la défense, bien sûr. Il y a des secteurs où l’on conserve une vraie avance. Soyons-en fiers », note en écho Etienne Giros, qui salue les installations récentes dans la nouvelle économie, les services, la confiserie ou l’économie verte.

Diane Binder, membre du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), qui compte parmi les cent leaders économiques de demain de l’Institut Choiseul, plaide pour que ce virage s’accélère et pour que les entreprises hexagonales « viennent financer des projets, pas expliquer ce qu’il faut faire ». Une attitude de rupture qu’elle juge urgente et qui serait la déclinaison économique de la volonté politique affichée par Emmanuel Macron de tisser de nouveaux liens avec l’Afrique ...

samedi 9 février 2019

L'industrie aéronautique tunisienne poursuit son développement

EN MARGE DU SALON AEROMART TOULOUSE, LES ACTEURS TUNISIENS DE L’INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE ONT FAIT LES YEUX DOUX AUX INVESTISSEURS ACTUELS ET POTENTIELS.




Supply chain Tunisie




Les temps ont bien changé depuis les années où l’industrie aé­ronautique européenne se cachait pour aller produire dans les pays low cost, désormais appelés « best cost ».
C’est désormais un atout dont chacun se félicite et ce n’est d’ailleurs pas le hasard si le séminaire « Tunisie », organisé en marge du salon Aeromart Toulouse 2019, était ouvert par Bernard Keller, l’ancien maire de Blagnac et actuel vice-président du Toulouse Mé­tropole.» La Tunisie contribue à maintenir à Toulouse le pôle d’excellence qui est le sien, confie-t il d’emblée. C’est du gagnant gagnant. La Tunisie est devenue un maillon essentiel de la supply chain d’Airbus. »Alors que le Maroc dispose d’une base de clientèle plus diversifiée, c’est en effet sur Airbus que la Tunisie a majoritairement misé lors du lancement de son développement aéronautique, il y a une dizaine d'années.

Tunis et Toulouse sont désormais reliés par un vol quotidien de Tunisair, sorte de navette prisée par les ingénieurs, commerciaux, développeurs, formateurs, investisseurs, qui échangent de plus en plus régulièrement entre les deux villes. Les productions, quant à elles, sont acheminées avec la même régularité entre Tunis et Toulouse par camion et bateau. « La logistique est bien rodée, explique Nicolas Larger, président de Fleuret Tunisie. Il y a deux bateaux par semaine et il ne faut pas plus de trois jours pour rejoindre Toulouse depuis Tunis. En ce qui nous concerne, nous acheminons un camion par semaine : ce n’est ni cher, ni compliqué. »

Fleuret fut un des pionniers de l’implantation en Tunisie, où l’entreprise est présente depuis 1998. « L’équation était fort simple, reprend Nicolas Larger. Pour continuer à croître, nous devions diminuer nos coûts, ce que nous pouvions faire de deux manières : l’automatisation ou la production en pays best cost. Nous avons choisi la deuxième solution, plus flexible. Ce qui a permis de nous développer en Tunisie, mais également en France, où le nombre d’emplois est passé de 20 à 110 personnes depuis notre im plantation en Tunisie. »

MULTIPLES ATOUTS


Mais ce qui fait la force de la Tunisie, c’est la multitude de ses atouts. Des pays low cost, il y en a beaucoup, mais la Tunisie a réussi avec le temps à devenir un pays « business friendly » à bien des égards, comme le rappelle Elochi Soufian, consultant en intelligence économique entre l'Europe et la Tunisie (Cabinet Knowyse) à Bruxelles. Cela fait plusieurs années que cet homme chaleu reux et convaincant sillonne la France à la recherche d’investis seurs. « La Tunisie est avant tout un vivier de talents, explique-t il. Elle est classée au troisième rang mondial en termes de taux de diplômés de troisième cycle en sciences, ingénierie, industrie et construction. Notre enseigne ment fournit chaque année 65000 nouveaux diplômés dont 30 % sont issus des filières de l’in génierie, des sciences de l’infor matique, des communications. Nous produisons 6000 ingénieurs par an et la source n’est pas près de se tarir, avec quelque 24000 étudiants en cycles de for mation d’ingénieurs. » L'ingénieur tunisien est en outre multilingue et doté d’un salaire mieux maîtrisé que dans d’autres pays. Le salaire moyen brut d’un ingénieur tu nisien est moindre qu’en Pologne et en Roumanie, deux fois moin dre qu’au Maroc et cinq fois moindre qu’en Espagne ou en Italie. Une prouesse rendue pos sible par la grande disponibilité de diplômés et un coût de la vie maîtrisé.

Les industriels soulignent également l’excellent état d’esprit des collaborateurs tunisiens. « Nous avons choisi la Tunisie par rapport au Maroc notamment en raison de la stabilité du pays, explique Patrick Razat, président de Me cahers. Puis il y a eu la révolution, mais nos collaborateurs ont dé­fendu l’usine, ce qui nous a incités à rester.
Les Tunisiens tiennent à leur entreprise, ils ont envie de travailler, ils sont loyaux et respectueux. Et ils sont bons, très bons. »

LOI SUR LESINVESTISSEMENTS


La Tunisie insiste également sur sa loi sur les investissements, mise en place en 2017 et qui règle l’accès au marché, la gouvernance des investissements, les primes, les résolutions des différends... « Prenons quelques exemples des avantages proposés par cette loi, poursuit Fehmi Mili : exo nération fiscale jusqu’à dix ans dans les zones de développement régional, imposition à 10 % pour l’export, recrutement de com pétences étrangères jusqu’à 30 % des cadres, incitations financières jusqu’à 33 % du montant investi pour les projets à intérêt national, simplicité dans les procédures d’établissement au sein d’un gui chet unique, prise en charge totale des contributions sociales et patronales pour certains in vestissements ainsi qu’une partie du coût de la formation, liberté de transfert des bénéfices du ca pital et des plus-values...

Les en treprises ont beaucoup d’avan tages en Tunisie qu’elles n’auront nulle part ailleurs. »Autant d’atouts qui font de la Tunisie une terre promise avec, encore, de nombreuses oppor tunités d’investissements, notam ment dans les domaines des pièces mécaniques usinées à commandes numériques, du découpage et pliage de tôlerie fine, de l’aéros tructure métallique et fuselage, de la soudureTIG et du traitement de surface. « Une des forces de l’industrie tunisienne, c’est qu'elle offre une supply chain de qualité, certes, mais aussi très complète, qui couvre un très large panel de compétences, explique Soufian. On peut presque tout produire localement en Tunisie et le taux d’interaction entre les différents acteurs locaux est très élevé, comme en témoigne d’ail leurs le parc Stelia où le produc teur d’aérostructures a attiré au tour de lui toute sa chaîne de fournisseurs. » Les statistiques de production montrent en effet un certain équilibre entre les dif férents domaines : travail des mé­taux (40 %), câblage (14 %),com posite (6 %), plastiques (6 %), équipements (5 %), traitement de surface (5 %)...

LE GITAS TRÈS ACTIF


Karim Chafroud, vice-président du Gitas (Groupement des in dustries tunisiennes aeronautiques et spatiales), souligne tous les in dicateurs de bonne santé de l’in dustrie aéronautique tunisienne. « Le nombre d’industriels aéro nautiques en Tunisie a été mul tiplié par huit entre 2004 et 2018 et atteint désormais 81 entre prises, dont 51 sont membres du Gitas, explique-t-il. Et le suc cès ne se dément pas, car nous accueillons chaque année plu sieurs nouvelles entreprises. Le secteur crée en outre 1 000 à 1 500 nouveaux emplois chaque année et l’emploi a augmenté de 50 % entre 2011 et 2018 pour atteindre désormais 17 000 em plois. » Les exportations attei gnent 1,5 Md$, dont 88 % à destination de la France, mais aussi une part croissante à des tination du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Le Gitas, dont le président est un industriel français (Thierry Haure-Mi rande), n’est pas pour rien dans ce succès. Doté d'une structure légère et flexible, le groupement s’est im posé comme une plateforme d’échanges de bonnes pratiques essentiellement dans les domaines de la formation, de l’environne ment et de l’industrie du futur. « Nous voulons favoriser les échanges, collaborations et syner gies entre les entreprises du secteur aéronautique et spatial implantées enTunisie, explique Karim Cha froud. Cela, entre autres, pour fa voriser le développement d’une supply chain aéronautique tuni sienne. Nous représentons aussi la profession auprès des autorités nationales tunisiennes et travaillons à la promotion, en Tunisie, du développement d’un environ nement favorable à l’industrie aéronautique et spatiale ainsi que l’implantation de nouvelles en treprises du domaine. Enfin, nous favorisons l’émergence de four nisseurs locaux disposant des agréments nécessaires. » C’est ainsi que la Tunisie s’est patiemment et discrètement pla cée parmi les pays qui comptent sur la carte mondiale des pro ducteurs aéronautiques.

dimanche 13 janvier 2019

En Tunisie, le sel reste le privilège des anciens colons français

En Tunisie, la Cotusal, une société qui fournit le sel nécessaire au sel de table en France, notamment sous la marque La Baleine, n’arrive pas à se détacher de son histoire coloniale. 

Depuis la Révolution, la question de l’exploitation des ressources naturelles par une puissance étrangère fait polémique.


Le sel tunisien exploité à 1 dinars l'hectare en Tunisie !


C’est une histoire qui commence en 1903 sous le protectorat français et qui n’est toujours pas finie. La Cotusal est une société à 65 % française et 35 % tunisienne dont le statut n’a jamais été renégocié depuis sa mise en place sous la colonisation française. Filiale du groupe Les Salins du Midi, spécialisé dans la culture du sel marin, la société a la même convention avec l’État français depuis 1949, soit sous l’ère coloniale.

Cette convention permet d’exploiter les salines tunisiennes à un franc français symbolique par hectare. Elle a été décidée par un décret beylical pour une durée de 50 ans selon les archives que s’est procurées le site Nawaat qui avait enquêté sur la Cotusal. En France, les consommateurs connaissent la Cotusal à cause de la marque de sel La Baleine qui vient des salines tunisiennes.

Depuis la Révolution, plusieurs partis politiques, personnalités et journalistes ont dénoncé le statut de la Cotusal et son manque de transparence sur les modalités de sa convention. Mais la polémique a pris de l’ampleur en 2014 lorsqu’une nouvelle concession d’exploitation a été accordée à la Cotusal à Sbekhat El Garra entre les gouvernorats de Sfax et Mahdia à l’est de la Tunisie.

Cette concession de 11 000 hectares a été établie sans même que la décision ne passe par l’Assemblée des représentants du peuple. Pour beaucoup de Tunisiens, c’est une violation flagrante de la nouvelle Constitution tunisienne. Son article 13 stipule en effet que « les ressources naturelles sont la propriété du peuple tunisien, la souveraineté de l’État sur ces ressources est exercée en son nom. Les accords d’exploitation relatifs à ces ressources sont soumis à la commission spécialisée au sein de l'assemblée des représentants du peuple. Les conventions ratifiées au sujet de ces ressources sont soumises à l’assemblée pour approbation ».

À l’époque, certains représentants de la Cotusal, notamment son PDG Foued Lakhoua, avaient déclaré que l’article 13 ne s’appliquait pas à la Cotusal, car le sel ne serait pas une « ressource naturelle ». Elle s’est même fendue d’un communiqué en mars 2018, dans lequel elle déclare : « On affirme que la Cotusal exploite, dans le cadre de la convention de 1949, les ressources naturelles du sous- sol tunisien alors que cette entreprise ne produit jusqu’à ce jour que du sel marin à partir de l’eau de mer qui est considérée comme une ressource inépuisable. Il n’y a aucune exploitation de gisement qui pourrait s’épuiser à terme. »

« Je me souviens qu’à l’époque, on était bouche bée ! Si le sel n’est pas une ressource naturelle, qu’est-ce que c’est en fait ? » demande Imen Louati, chercheur à l’Observatoire tunisien de l’économie et auteur de l’article « Polémique autour de la Cotusal ». Ettakatol, un parti de centre- gauche et l’un des partis de la Troïka, la coalition qui gouvernait à l’époque, avait demandé des explications à Mehdi Jomaa, ancien premier ministre, et avait déposé une plainte devant le tribunal administratif.

« Aujourd’hui, l’affaire stagne devant les tribunaux, car il n’y a pas d’intérêt financier pour les actionnaires de la Cotusal à revenir sur cette décision, explique Kamel Gargouri, secrétaire général du parti Ettakatol. Mais si on est dans un État de droit et que l’on applique la constitution, il y a un vrai problème. Les ressources naturelles appartiennent au peuple tunisien qui a un droit de regard sur leur exploitation. Si nous voulons mettre en place un vrai État qui respecte ses institutions, il faut faire les choses dans les règles. »

L’affaire de la Cotusal se retrouve dans une impasse liée aux atermoiements politiques mais aussi à un « manque de volonté ». « Nous en sommes encore aux échanges de conclusions alors que cela fait trois ans que le recours a été déposé, il n’y a même pas eu de plaidoirie », témoigne l’avocate d’Ettakatol, Donia Ben Osman.

Les députés de l’Assemblée des représentants du peuple n’ont toujours pas voté la mise en place de la Cour constitutionnelle ni élu ses membres. Or cette cour permettrait de résoudre l’affaire de la Cotusal au regard de la Constitution.

Autre motif de mécontentement, la société n’avait pas payé ses redevances à l’État tunisien entre 2007 et 2016. Elle aurait depuis réglé ses taxes mais en en renégociant le montant au bout d'une bataille juridique. Interrogée par Mediapart, la Cotusal a refusé de répondre à nos questions. « Nous ne souhaitons pas donner suite à votre interview et restons à disposition des pouvoirs publics », a répondu Foued Lakhoua, son PDG, par mail.

Mais selon l’Observatoire tunisien de l’économie, le manque à gagner pour l’État tunisien s’élève à 500 000 dinars (150 000 euros) chaque année depuis que la Tunisie s’est dotée d’un code des mines (2003) qui ne s’applique pas à la Cotusal. L’entreprise est notamment exemptée de certaines obligations fiscales. Pour sa défense, le groupe explique avoir demandé à être rattaché au code des mines, et qu’il s’est vu opposer un refus de l’État tunisien entre 2003 et 2006. Sauf que la Cotusal ne précise pas si elle en a refait la demande après la révolution de 2011.

Au-delà des problèmes de bonne gouvernance, la Cotusal continue d’être au cœur des polémiques en raison de son statut d’exception et de son manque de transparence. En mars 2018, l’Instance Vérité et Dignité, qui s’occupe de faire la lumière sur les sévices des différents régimes en Tunisie de 1955 à 2013, a publié des documents mettant en lumière la permanence de la présence française bien après l’indépendance de 1956 et l’exploitation abusive des richesses naturelles.

Elle cite la Cotusal comme l’un des exemples et montre comment la Tunisie indépendante, dans les accords d’autonomie interne conclus avec la France, n’a pas renégocié ces concessions ni les conditions et les prix de l’exploitation.

L’ambassade de France avait aussitôt répliqué par un communiqué en déclarant que la Cotusal était en partie détenue par des capitaux tunisiens et que la France avait le plein respect de la « souveraineté tunisienne ». « La société Cotusal, détenue par des capitaux tunisiens et français et ne produisant du sel que sur marais salants, a indiqué à l’ambassade avoir demandé à maintes reprises l’abandon de la convention de 1949 conclue avec l’État tunisien », peut- on lire dans le communiqué.

Sauf que cet abandon n’a toujours pas été décidé et que l’octroi d’une nouvelle concession d’exploitation à la Cotusal en 2014 laisse planer le doute sur les réelles volontés de l’entreprise à renégocier sa convention.

Deux journalistes de Mediapart avaient également révélé, dans le livre Tunis Connection (Seuil, 2012), que les intérêts français étaient bien ancrés dans cette entreprise notamment avec l’amiral Jacques Lanxade qui avait été ambassadeur de France en Tunisie entre 1995 et 1999 et qui siégeait aussi au conseil d’administration de la Cotusal. L’actuel dirigeant de la Cotusal, Foued Lakhoua, est aussi président de la Chambre tuniso-française du commerce et de l’industrie, un conflit d’intérêts qui reflète à sa façon les ambiguïtés autour de la Cotusal.

Les ressources naturelles, une exploitation mal répartie


« Là, nous sommes dans une course contre la montre, car il faut notifier la fin de la convention, dix ans avant sa date de fin, explique l'économiste Imen Louati. Vu qu’elle doit se finir en 2029, il faut le faire en 2019... Sinon, le renouvellement sera automatique. Je pense qu’aujourd’hui le débat va au-delà du respect de la Constitution : il y a encore des gens au sein du gouvernement et même au sein de l’Assemblée qui ont peur de renégocier ces termes, car ils pensent que ça va faire fuir les investisseurs étrangers. Il faut se débarrasser de notre complexe d’infériorité d’anciens colonisés. »

Le mouvement en faveur d’une renégociation du statut de la Cotusal s’inscrit aussi dans un contexte social où les Tunisiens demandent davantage de transparence sur l’exploitation des ressources naturelles par des entreprises étrangères. En 2015, le mouvement Winou el pétrole avait émergé sur les réseaux sociaux tunisiens et demandait davantage de bonne gouvernance. Mais il n’avait pas abouti même s’il avait pu remettre au centre du débat la question des ressources naturelles.

En 2015 et 2016, les habitants de l’archipel de Kerkennah ont manifesté contre Petrofac, la société pétrolière de prospection et d'exploitation énergétique. En 2017, durant le sit-in près du site pétrolier d’El Kamour, qui a duré près de trois mois, les manifestants ont aussi questionné l’exploitation des richesses et l’absence de bénéfices pour les populations locales. Le cas des phosphates de Gafsa est également plusieurs fois évoqué.

Ces mouvements sont partis d’une inégalité de répartition des recettes engendrées par l’exploitation des ressources naturelles qui n’ont pas servi à développer les régions dans lesquelles se trouvent les usines et qui n’ont pas su absorber la masse grandissante de chômeurs dans ces mêmes régions, entraînant ainsi des mouvements sociaux.

S’ajoute à cela le manque de bonne gouvernance dans la gestion des ressources. Le Parlement tunisien par exemple a voté pour la première fois en 2017 l’attribution de recherche et de permis pour l’exploitation d’hydrocarbures alors que cela fait plus de 50 ans que la Tunisie produit du pétrole.

La Tunisie avait d’ailleurs été mal classée par le Natural Resource Governance Institute qui avait déclaré dans un rapport que les Tunisiens ne bénéficiaient pas assez des richesses générées pas ces ressources et qu’il y avait une « opacité » dans l’octroi des permis à des sociétés étrangères.

La question reste de savoir pourquoi le blocage se poursuit et pourquoi la Cotusal veut maintenir les choses en l'état. « Il y a plusieurs positionnements par rapport à cette affaire Cotusal, déclare Imen Louati. Il y a ceux qui veulent que le groupe soit nationalisé, il y en a d’autres qui souhaitent que le contrat soit régi par l’actuel code des mines en respectant la loi en vigueur. Mais tous sont d’accord sur le fait que la Tunisie n’est pas avantagée dans cette situation et voudraient que l’État tunisien bénéficie davantage de cette exploitation. » Car, rappelle l'économiste, « pourquoi exportons-nous le sel de façon brute? Pourquoi le sel n’est-il pas transformé en Tunisie? Cela pourrait créer de l’emploi. »

Aujourd’hui, le sel La Baleine est extrait des marais salants tunisiens, puis exporté vers l’Italie où il est conditionné avant d’arriver en France. La main-d’œuvre en Tunisie et le processus d’exportation coûtent très peu à la France.

La Cotusal réalise près de 30 millions de dinars de chiffre d’affaires avec une production annuelle de 1 million de tonnes de sel, dont 750 000 tonnes sont destinées à l’exportation. La production annuelle de sel marin par cette compagnie représente 70 % du sel produit en Tunisie.

« Aujourd’hui, je pense que l’État français a aussi un rôle à jouer dans la régularisation de la situation de la Cotusal : ce sont aussi aux actionnaires français de faire pression pour qu’il y ait un changement », déclare l'avocate Donia Ben Osman. « Le problème c’est que mettre à jour le contrat ne veut pas forcément dire que l’on va régler la question du néocolonialisme qui rôde autour de la Cotusal, mais ce sera déjà un pas en avant », déclare Mohamed Dhia Hammami, chercheur, qui a mené l’enquête pour Nawaat.

À ce jour, la Cotusal n’a toujours pas rendu publics les noms de ses actionnaires français et tunisiens.